Bénéficiaire du rapide développement économique de la Turquie, Istanbul est devenue ces dernières années l’une des villes les plus dynamiques d’Europe, attirant des visiteurs du monde entier. Et pourtant, la métropole turque pourrait bientôt perdre son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. En cause, la politique de destruction de la vieille ville menée par des promoteurs immobiliers peu scrupuleux, soutenue par les autorités locales.
En plein cœur de la ville, le long de la Corne d’Or, à deux
pas des sites patrimoniaux les plus prestigieux, se trouvent les quartiers de
Balat et Fener, ghettos peuplés majoritairement de Kurdes, d’Arméniens et de
Roms. Historiquement les quartiers des communautés Grecques
orthodoxe et des Juifs expulsés d'Espagne au XVème siècle, ils sont restés à
l’abandon pendant plusieurs décennies et abritent encore d’innombrables constructions
anciennes, notamment les traditionnelles maisons en bois. Désireuse
d’intervenir pour la protection de ce patrimoine, l’UNESCO s’est heurté à la
mauvaise volonté des autorités et au règne de la corruption. Sous l’égide de la
communauté de Fatih, le programme de restauration s’est fait à coup de
pelleteuses, transformant le quartier en un immense projet immobilier. Représentant
les intérêts des puissants, elle s’est employée à mystifier les habitants qui,
menacés de saisie, ont dû céder leurs maisons à des prix honteux. Les
maisons détruites ont été reconstruites « dans le style Ottoman »,
transformant un quartier vivant en véritable Disneyworld local.
Le délabrement des lieux en fait
un endroit de transit pour les populations venant des régions les plus pauvres
de la Turquie, en attendant de trouver mieux ailleurs. Aujourd’hui, 40% de la
population de Balat est installée à Istanbul depuis moins de 5 ans. Refusant
l’intégration, la plupart des parents refusent de confier l’éducation de leurs
enfants à l’instruction publique turque. Ils se retrouvent ainsi dans les
rues, désœuvrés, la plupart d’entre eux étant analphabètes.
Mon projet photographique porte sur les changements de la structure sociale de ces quartiers et la menace d’un développement urbain incontrôlé sur les populations locales.